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            Originaire du Viêt Nam et installée en France depuis 2014,

            Kieu Trinh Pham situe son travail plastique dans la zone de rencontre entre ces deux massifs culturels que sont l’Asie et l’Occident. C’est aussi, pour elle, l’endroit où s’entrecroisent modernité et tradition. La jeune artiste fait l’hypothèse d’un imaginaire féminin dont elle tente de suivre les contours à travers une approche pluridisciplinaire croisant le dessin, la gravure, le volume, la photo et la vidéo. Si elle puise dans l’intime la matière de son œuvre, c’est à dessein d’ouvrir à des déplacements sémantiques qui réinscrivent les observations et les expériences dont elle part dans la perspective d’une anthropologie interculturelle. 

Ses réalisations se voient de fait investies, à tous les étages, du signe de l’écart qui se glisse au sein de l’hybridité. 

Des matériaux traditionnels se mêlent chez elle à des matériaux de rebut, comme les cheveux chus, ou bien s’articulent à des images récupérées sur Internet. Ces éléments disparates se trouvent disposés selon des gestes empruntant à des techniques qui, dans certaines cultures, constituent la province des femmes. Les formes qui en procèdent laissent affleurer une ressemblance trouble avec des choses qui sont culturellement et temporellement disjointes. Elles émanent du patrimoine vietnamien et rejoignent, dans le même mouvement, des propositions qui ont été avancées sous le modernisme et restent encore aujourd’hui en débat. Des motifs comme la grille, la trame ou le réseau passaient alors pour des clôtures dressées autour des arts visuels afin d’en assurer l’autoréférentialité et de les protéger contre les intrusions du discours. Et voilà qu’ils retrouvent la parole en réintégrant les voies de la symbolisation en même temps qu’un champ de pratiques artisanales à connotations féminines. 

Kieu Trinh Pham adopte volontiers un langage visuel minimal, si ce n’est minimaliste, pour soulever des questions ayant trait à la place des femmes en diverses sociétés : en l’occidentale comme en la vietnamienne, et ce jusqu’en ses ethnies minoritaires.

Ses formes privilégient la simplicité et la géométrie pour évacuer l’expressionnisme ou le pathos de l’expressivité. Elles impliquent néanmoins une subjectivité, ainsi que des enjeux de genre. Le féminin y est représenté par ses attributs et il y est évoqué à travers la fragilité des matériaux comme à travers la délicatesse de la technique ; mais aussi bien le corps femelle s’y manifeste-t-il sur le mode d’une perturbation qui affecte la forme. La sobriété et la discrétion de celle-ci font apparaître, par contraste, la composante féminine comme une provocation sensuelle ; et cela nous amène à reconnaître que nous avons largement tendance à la percevoir comme telle, soit comme quelque chose qui doit être mis au secret et rester caché ou mystérieux. Les œuvres de Kieu Trinh Pham attirent notre attention sur cette violence sourde qui s’exerce à l’encontre des femmes en se dissimulant sous les routines ordinaires. Outre la sexualisation des représentations que l’on se fait de l’humaine condition, ce travail interroge enfin l’effet que les différences linguistiques peuvent avoir sur notre perception des choses. 


Cyril Crignon
 

 

Fr

Kieu Trinh Pham was born in Vietnam and settled            

in France in 2014, her  artistic practice is situated            

at the meeting point between these two cultural entities, Asia and the West. It is also, for her, the place where modernity and tradition intersect. The young artist speculates on a female imagination whose contours she tries to follow through a multidisciplinary approach that crosses drawing, engraving, volume, photography and video. She draws the material of her work from intimacy, but with the intention of opening it up to semantic displacements that re-inscribe her observations and experiences in the perspective of an intercultural anthropology.

Indeed, her visual statements bear, on every level, the sign of a gap that slips inside hybridity.

Traditional materials mingle with waste materials, such as hair, or articulate with images retrieved from the Internet. These disparate elements are arranged according to gestures that borrow from techniques that, in some cultures, form the province of women. The forms that proceed from it reveal a disturbing resemblance to things that are culturally and temporally disjointed. They emanate from the Vietnamese heritage and, in the same vein, they are in line with the proposals that have been put forward under modernism and are still being debated today. Patterns such as grids or networks used to be seen as fences built around the visual arts to ensure their self-referentiality and protect them from the intrusions of discourse. And now they are regaining their voice by reintegrating the ways of symbolization at the same time as a field of artisanal practices with feminine connotations.

She willingly adopts minimal, if not minimalist, visual language to raise questions about the place of women in various societies: in the West as well as in Vietnam, even in its minority ethnic groups.

Her forms favour simplicity and geometry to evacuate expressionism or the pathos of expressivity. However, they involve subjectivity and gender issues. Here, the feminine is represented by its attributes and it is evoked through the fragility of the materials and the delicacy of the technique, but the female body manifests itself as well in the manner of a disturbance that affects the form. The sobriety and discretion of the latter, in contrast, make the feminine component appear as a sensual provocation; and this leads us to recognize that we have a strong tendency to perceive it as such, i.e. as something that must be kept secret and remain hidden or mysterious. Her works draw our attention to this deaf violence against women, hidden under ordinary routines. In addition to the sexualization of our representations of the human condition, her work questions how linguistic differences can act on our

perception of things.



 

 

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