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Les pièces que je réalise à l’aide mes propres cheveux procèdent d’une envie d’expérimenter avec ce matériau relativement peu usité dans les arts, et d’exemplifier les propriétés ambivalentes qu’il possède littéralement aussi bien que métaphoriquement. Matériau organique, le cheveu est un signe de vitalité et de bonne santé ; mais l’évolution qu’il connaît peut susciter en nous la hantise de la perte ou les affres du vieillissement. Nous lui accordons bien souvent des soins particuliers ; et, par la coupe et la disposition, nous en faisons un vecteur de personnalisation et d’intégration sociale. Nous le tournons pourtant tous les jours en objet de dégoût ou en rebut embarrassant, quand il nous faut en ramasser sur le peigne ou le lavabo. Nombre de cultures ont par ailleurs fait de la chevelure un attribut privilégié du féminin : telle une synecdoque, le cheveu en dirait l’essentiel ; il en exprimerait plus précisément la sensualité, dans ce qu’elle peut avoir de provoquant. Cette manifestation de la vie du corps est fréquemment perçue comme exubérante chez la femme ; et la question se pose alors de savoir s’il convient pour elle de montrer ou de couvrir ses cheveux, de les porter longs ou courts, noués ou dénoués, en signe de disponibilité ou de réserve. Et comme la chevelure constitue l’une des principales « armes » de la séduction féminine, c’est sur elle qu’ont fait porter l’attaque bien des sociétés qui entendaient réprouver publiquement des fautes morales n’exposant généralement pas les hommes à un tel opprobre. Ainsi des femmes y ont-elles été jetées en pâture, tondues ou la tête enduite de chaux à dessein d’empêcher la repousse des cheveux, pour avoir enfanté hors mariage ou avoir eu « commerce » avec l’occupant. Outre leurs qualités esthétiques, de texture ou de forme, les cheveux s’avèrent ainsi porteurs de valeurs éthiques, morales et sociales sexuellement marquées ; et c’est pourquoi il m’importe de les explorer.

                                                                                                       Kieu Trinh Pham

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