top of page

* Démarrez simultanément les deux vidéos !

2019, Installation audiovisuelle consistant en une double projection, 06’24”.

À partir du poème éponyme de Ho Xuan Huong,
traduit du vietnamien vers le français par Van Hoa

Lecture du texte français : Aurélie Botalla-Gambetta

Cette pièce, combinant deux vidéos projetées en équerre, procède, elle aussi, d’une volonté de manipuler la langue comme un matériau de construction, si ce n’est de la pétrir telle une pâte. Elle s’appuie, pour ce faire, sur une triple analogie reliant les unités de base qui entrent dans la composition d’un texte, les pixels qui sont les éléments constitutifs de l’image numérique et, enfin, les bulles formées par l’eau que l’on porte à ébullition pour la cuisson du « gâteau flottant » auquel la pièce emprunte son titre. « Le gâteau flottant » est l’équivalent français que propose le traducteur de Ho Xuan Huong pour l’expression banh trôi nuoc, désignant un dessert très populaire au Vietnam dont cette poétesse a fait une métaphore de la condition féminine. La première bande met en regard l’original du poème portant ce titre avec sa traduction française, celle-ci naissant de la désintégration de celui-là. Les textes se démultiplient de manière exponentielle à mesure que l’opération se répète et que cette matière numérique est brassée. C’est là un signe que la traduction pluralise le texte et le diffracte et que, ce faisant, elle le voue à la dissémination. Dans cette opération, le texte subit en effet de vertigineuses pertes verbales : son contenu et sa structure même se désintègrent ; et nous plongeons alors en pleine confusion des langues, dans une situation babélique où nous courons le risque de ce « babil du texte » dont parlait Roland Barthes : « cette écume de langage qui se forme sous l’effet d’un simple besoin d’écriture ». Or, une fois parvenu à saturation, l’écran ne fera plus que crépiter et composer une matière magmatique relativement uniforme. La musicalité du langage persistera néanmoins, à travers la diction du texte qui en relaie, dans sa scansion propre, le rythme et la pulsation. Elle lui donne en outre, pour texture, le grain de ces voix qui s’élèvent avec les vapeurs au-dessus de la marmite où l’eau bout à gros bouillons.
Sur la deuxième bande, conçue pour être projetée en contiguïté avec la première, sur un mur ou sur le sol, la neige entropique indique en effet le point de bascule dans une autre dimension, peuplée d’images à la tonalité onirique qui nous montrent les étapes de la préparation du fameux gâteau. Elles ancrent le numérique et le textuel dans un territoire de pratiques culinaires culturellement situées, dans un ensemble de gestes et, par suite, dans une chair et dans un genre. La métaphore féminine permane après la dissipation du sens obvie du poème. Ici aussi, les images expriment une agitation de surface qui s’avère toutefois nécessaire à la prise de forme ; car c’est de cette écume que sort le gâteau rond à la pâte molle. 

bottom of page